- PHILIPPE IV (roi d’Espagne)
- PHILIPPE IV (roi d’Espagne)PHILIPPE IV (1605-1665) roi d’Espagne (1621-1665)Fils de Philippe III et de Marguerite d’Autriche, Philippe IV n’a pas hérité de l’indolence paternelle. Esprit vif, intelligent et cultivé, il manque cependant de caractère et laisse, durant la première partie de son règne, le pouvoir à son favori Gaspar de Guzmán, comte-duc d’Olivares. À l’intérieur, ce dernier, homme énergique, tente en 1623 d’appliquer des réformes à contenu économique et moral, telles que la réduction des pensions octroyées par le roi, la prohibition des importations de produits provenant de manufactures étrangères, le retour à la sobriété vestimentaire. Seule la dernière mesure entre réellement en vigueur; d’une part les fêtes somptueuses qu’offre Philippe IV dans ses résidences où les représentations théâtrales sont particulièrement appréciées (notamment au nouveau palais du Buen Retiro à Madrid), d’autre part la politique extérieure belliqueuse de l’Espagne exigent des dépenses accrues. Si le comte-duc a songé un moment à abolir les millions, impôt qui frappait les plus pauvres, il doit non seulement y renoncer, mais encore créer de nouvelles charges fiscales qui mécontentent et poussent parfois à la révolte les États non castillans (c’est le cas de la Catalogne); les classes dites privilégiées ne sont pas non plus épargnées: le clergé doit verser un subside spécial, le pouvoir confisque bientôt une partie des rentes nobiliaires et procède à la vente des charges; de plus, la flotte en provenance des Indes est à différentes reprises pillée par les corsaires étrangers (en 1628, par exemple). Mais Olivares, s’inspirant de l’idée ingénieuse lancée par le duc de Lerme, favori de Philippe III, confie les tâches les plus urgentes et qui appellent des décisions rapides non plus aux conseils traditionnels, mais à des comités spéciaux; ainsi, en 1634, la Junta de Ejecución remplace le Conseil d’État comme organisme exécutif. Le gouvernement du comte-duc doit faire face à l’intérieur à des soulèvements et à l’extérieur à des guerres sur des fronts de plus en plus nombreux et dispersés. La dissidence de la Catalogne commence, dès 1625, par le refus de coopérer à l’Union des armes, c’est-à-dire de fournir subsides et troupes pour les conflits internationaux. Cette région périphérique craint le renforcement de la «castellanisation» préconisée par le comte-duc et partant la suppression de ses fueros (privilèges locaux). Entraînée dans la guerre contre la France, elle se soulève contre la présence des soldats castillans: les segadores (faucheurs) ou paysans encouragés par les municipalités entrent à Barcelone en juin 1640, tuent le vice-roi, pactisent avec les Français; la révolte dégénère en guerre civile, les Catalans se plaçant sous protectorat français (1641). Le soulèvement du Portugal provoqué par une fiscalité excessive éclate à la faveur de l’absence d’une partie de l’armée espagnole engagée en Catalogne (déc. 1640); les insurgés proclament roi le duc de Bragance sous le nom de Jean IV, et leur cause est soutenue par la France. Ces deux crises dureront au-delà du régime d’Olivares. La fin de son gouvernement est marquée par la pression de multiples adversaires; par souci de sauvegarder l’hégémonie de l’Espagne, il ne renouvelle pas la trêve avec les Pays-Bas (1621), puis il engage son pays dans une série de conflits avec la France: c’est l’affaire de la succession du duché de Mantoue (1628-1631), la guerre ouverte à partir de 1635 dans le nord de la France, puis sur la frontière catalane; en même temps l’Espagne envoie des troupes à l’empereur d’Autriche contre les Suédois et leurs alliés. En 1643, date de la victoire de Rocroi, Olivares, devenu impopulaire en raison de sa politique coûteuse et vouée à l’échec, est exilé. Philippe IV, conseillé par la religieuse Sor Maria de Agreda, avec laquelle il échange des lettres, fait un effort pour contrôler davantage le gouvernement du propre neveu d’Olivares, Luis de Haro; celui-ci d’ailleurs n’accepte pas le titre de favori et adopte une politique toute différente, une série de banqueroutes et de revers militaires l’incitant, il est vrai, à conclure la paix avec les adversaires de l’Espagne: le traité de Münster (1648) aboutit à la reconnaissance par l’Espagne de l’indépendance et de la souveraineté des Provinces-Unies. Profitant d’une période où la France est occupée par la Fronde, les Espagnols reprennent le contrôle de la Catalogne (prise de Barcelone en 1652), et Philippe IV promet de respecter les fueros de cette province. Puis la paix des Pyrénées met un terme au conflit hispano-français (1659): l’Espagne doit à l’habileté de Luis de Haro de ne perdre que l’Artois, le Roussillon et une partie de la Cerdagne, tandis que le mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse scelle la réconciliation. Mais la guerre continue avec le Portugal, qui a l’appui des Anglais: en 1657, la capture des galions espagnols revenant des Indes par l’Angleterre prive pendant deux ans la couronne d’un métal dont elle a grand besoin. La sécession du Portugal sera rendue irréversible par la bataille décisive de Villaviciosa (1665). Trois mois auparavant, Philippe IV meurt, transmettant la couronne au second fils de son mariage avec Marie-Anne d’Autriche, Charles, âgé de quatre ans. Si le roi n’a jamais réussi à s’imposer dans les tâches du gouvernement, il a encouragé les lettres et les arts et a lui-même écrit des comedias et des poésies. Ses infidélités conjugales ont été multiples, et on connaît notamment sa liaison avec l’actrice, la Calderona, dont il eut un fils. D’un premier mariage avec Isabelle de Bourbon sont nés Marie-Thérèse et Baltasar Carlos, mort en 1646. La seconde épouse du roi, sa propre nièce Marie-Anne d’Autriche, lui a donné deux filles, puis deux fils, dont un seul a survécu. Les deuils familiaux ajoutés à la perte de l’hégémonie de son pays ont assombri les dernières années du roi, qui laisse une Espagne en pleine décadence politique et économique et, paradoxalement, en pleine prospérité littéraire et artistique.
Encyclopédie Universelle. 2012.